Fuite en avant ou politique de l’autruche ?

Les analystes financiers ne sont décidément pas au bout de leur peine. « L’indice de la peur » qui mesure la volatilité sur les marchés financiers – le VIX – leur a déjà donné du fil à retorde cette année. Son interprétation classique veut qu’une trop grande fébrilité de sa part soit annonciatrice d’un gros pépin, et c’est au contraire le calme plat sur les marchés dont il témoignait qui devenait à leurs yeux suspect.

Rebelote en cette rentrée, alors que l’aplatissement de la courbe des taux qui est constaté aux États-Unis est signe avant-coureur d’une récession, le pays connait une croissance prévisionnelle insolente de 4% en rythme annualisé. Les deux ne vont pas de pair.

Que se cache-t-il derrière cet aplatissement ? Il intervient lorsque les taux obligataires à court terme se rapprochent des taux à long terme, faisant démentir que les inconnues, et donc le risque à rémunérer, sont identiques à court et à long terme. Ce phénomène a précédé à chaque fois une récession ces cinquante dernières années, constate-ton, alors qu’en penser aujourd’hui ?

Les analystes ne sont pas à court d’explication, remarquant que les acquisitions obligataires de la Fed et le refuge que représente la dette américaine ont contribué à la baisse des taux à long terme. L’aplatissement est également favorisé par le volume abondant des émissions à court terme du gouvernement américain afin de financer son déficit grandissant, notamment sous les effets des mesures de Donald Trump.

Impliquer la banque centrale, souvent accusée de favoriser des distorsions du marché, n’étant pas spécialement bien vu, la Fed de San Francisco s’est saisie de la question pour aboutir à une conclusion particulièrement éclairante : la « corrélation historique » que l’on constate entre l’aplatissement de la courbe des taux et une récession à venir ne signifie pas forcément, selon celle-ci, qu’il existe « un lien de causalité »… La remarque est-elle rassurante pour les analystes qui cherchent leurs marques et voient leurs repères s’évanouir ?

Coup sur coup, on a vu la BCE et la Fed tenir leurs universités d’été. Celle de Jackson Hole, à vocation mondiale, s’est tenue sans que les banquiers centraux européens et japonais l’honorent de leur présence, comme s’il n’était pas attendu de grandes nouveautés et que les banques centrales n’avaient rien de plus en magasin, plus préoccupées aux États-Unis et en Europe par leur retrait. En conséquence, les deux réunions ont eu en commun une multiplicité de communications savantes portant sur d’obscurs points secondaires. On ne disputera pas aux banquiers centraux leur science, surtout quand il s’agit d’être hermétiques.

Les économistes de référence en restent quant à eux à leur doxa et les analystes financiers à leurs interrogations. Et, sous les auspices des premiers, on prétend diminuer en France l’enseignement de la macro économie au profit de la micro économie… Les politiciens pratiquent la fuite en avant, les économistes la politique de l’autruche.

3 réponses sur “Fuite en avant ou politique de l’autruche ?”

  1. Dépression, constriction du crédit et augmentation des taux directeurs vont de pair, selon une loi bien connue du capitalisme; Les prévisions de croissance aux EU à 4% sont sérieuses mais de court terme. Trump, qui n’y connait rien et n’a en poche que son soutien frénétique au Business tente d’échapper à l’impeachment qui se profile en cas de victoire démocrate aux élections de midterm. Les capitaux rapatrient le giron de la surpuissance, laissant derrière eux un champ de ruines. Afrique, Turquie, Argentine. La crise globale est en route, rien ne pourra l’arrêter. Nous allons bénéficier d’une leçon de macroéconomie par les faits.

    1. Mettre en parallèle de ce taux de croissance de court terme, celui astronomique et supérieur de l’augmentation du taux de la dette publique américaine…..pas très réjouissant, surtout quand on imagine que cela représente un transfert de richesse encore plus considerable : quelques uns captent la plus-value et tous les autres récoltent la dette (mais je ne suis pas économiste, et donc je peux (j’espère) me tromper….).

      1. C’est justement parce que vous n’êtes pas économiste que … vous ne vous trompez pas ! Vous connaissez la blague  » pour croire cela, il faut être soit fou, soit économiste ». Le transfert de richesse ne se concrétise pas tant que les bons du trésor continuent d’être achetés sans problèmes; Il fait simplement tache sur le bilan de la FED. Il se concrétisera s’il y a un jour crise de confiance paroxystique. Alors les dettes que représentent les Bons du Trésor seront brutalement dévaluées, lésant les investisseurs imprudents, nos états, nos banques et nos entreprises. Mais en mode routine, l’émission de propositions de dette, les bons du trésor, compense l’érosion de la monnaie en réinjectant des actifs dans l’économie. Mais aucun investisseur n’ignore qu’en délaissant l’emprunt américain, il craquerait l’allumette sur le baril de poudre. Ce pourquoi le feu d’artifice viendra probablement d’ailleurs. Dans le role, je vois assez bien, imminente la crise de l »Europe et donc de l’Euro.

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